Lorsqu’on veut déterminer la valeur d’une action, il ne faut pas s’arrêter uniquement au ratio cours/bénéfices ou à sa marge de profit, mais regarder également le bilan financier, et le regarder en premier. Lorsqu’on achète les actions d'une entreprise, on achète également ses dettes. Une dette récente avec échéanciers de paiement éloignés, contractée pour faire une acquisition ou pour faire fructifier les actifs de l'entreprise, peut avoir un effet de levier bénéfique, mais une vieille dette qu’une entreprise traîne comme un boulet, la rend très vulnérable à l’état du marché de l’emprunt et peut devenir fatale.
À mes débuts comme investisseur, j’ai acheté des actions de Delphi, un important fabricant de pièces d'automobiles. Le ratio cours/vente était très bas, à un point tel que je me disais qu’avec une marge nette de 2%, cette compagnie serait amplement rentable. Je ne m’étais pas suffisamment attardé à la dette qui était énorme et que Delphi, qui était un spin-off de General Motors, avait héritée de sa compagnie-mère. Quand l’industrie automobile a ralentie fortement en 2005, Delphi s’est rapidement retrouvée face à une crise de liquidité, ne pouvant respecter ses obligations envers ses créanciers : elle a dû se réfugier sous la protection de la Loi contre les faillites (Chapitre 11). Lors de la réorganisation du capital qui a suivi, la valeur des actions ordinaires s'est pratiquement désintégrée... C’était ça, « acheter une dette » et non investir, je l’ai appris à mes dépens.
Actuellement, les coûts d'emprunt demeurent encore très bas si on les compare à leurs moyennes historiques, mais un redressement des taux d'intérêt pourrait s'avérer funeste pour des compagnies lourdement endettées qui vivent sur du temps emprunté. Le ratio dette long terme/capitaux propres est bien sûr à prendre en compte, mais ce ratio peut être trompeur selon l'industrie, il faut donc regarder la moyenne de l'industrie pour avoir une meilleure idée. Il faut s'attarder à analyser les caractéristiques de la dette, en particulier, l'ampleur des paiements à venir et les échéanciers de ces paiements. Est-ce que l'entreprise génère suffisamment de liquidités (free cash flow) pour répondre à ses obligations d'emprunt? A-t-elle accès à une marge d'emprunt bancaire suffisante? Si on ne veut pas se réveiller avec de mauvaises surprises, il est essentiel d'approfondir cet aspect de la question avant de faire tout investissement.
3 commentaires:
Bon article vulgarisateur.
Pibo
Merci!
> Il faut s'attarder à analyser les caractéristiques de la dette, en particulier, l'ampleur des paiements à venir et les échéanciers de ces paiements.
C'est trop vrai ce vous dites. Ça me rappelle votre article sur Yellow Pages, eux aussi traînent un boulet, malgré de très bons revenus.
> Est-ce que l'entreprise génère suffisamment de liquidités (free cash flow) pour répondre à ses obligations d'emprunt? A-t-elle accès à une marge d'emprunt bancaire suffisante? Si on ne veut pas se réveiller avec de mauvaises surprises, il est essentiel d'approfondir cet aspect de la question avant de faire tout investissement.
Les informations sur les flux de trésorie sont une des choses vers lesquelles j'aime beaucoup porter mon attention. Mais j'avoue que je ne creuse pas assez pour connaître l'ampleur des emprunts, et quand ils sont dûs. J'entends souvent "cette compagnie a quasiment pas de dettes" et ça me satisfait, je ne vais pas plus loin. Mais c'est une bonne place pour approfondir mes recherches.
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