De loin, la pire transaction de ma carrière d'investisseur fut de vendre en juillet 2015, 300 actions que je possédais de la compagnie de semi-conducteurs AMD à $2.10 l'unité. Les actions d'AMD se transigent actuellement à $94,15. Les mêmes actions dont la vente m'a rapporté un maigre $630 USD ($788.37 CAD), valent aujourd'hui $28,245 USD ou $36,015 canadiens! J'aurais donc $35,226.83 de plus dans mon portefeuille boursier, si je m'étais abstenu de faire cette vente. Ouch!
"Quand tu perds, ne perds pas la leçon" avait dit Warren Buffett. Quelle est la leçon que je peux tirer de cette catastrophique transaction? C'est que les chiffres comptables ne veulent pas tout dire, ils ne sont qu'une partie de l'équation, ils peuvent même être trompeurs et vous amener à faire une mauvaise transaction. Car c'est sur la base des chiffres comptables que j'ai vendu mes actions d'AMD. L'entreprise trainait une lourde dette (le ratio dette/capitaux était de 10.9! en 2014), elle avait des marges de profits négatives depuis trois ans, ses revenus chutaient d'année en année depuis 2011 et en prime, elle ne payait bien sûr aucun dividende! En 2015, la valeur aux livres d'AMD était négative, une fois soustrait les passifs aux actifs de l'entreprise, les capitaux propres (équité) étaient négatifs! Cette compagnie m'apparaissait donc être un bateau à la dérive qui allait s'échouer tôt ou tard...
En face, il y avait Intel avec des états comptables impeccables. Intel (INTC, $55.44) avait entre 2010 et 2015 des marges de profits nettes supérieures à 20%, année après année; ses revenus se maintenaient malgré une période difficile pour les semi-conducteurs; elle n'avait pratiquement pas de dettes (le ratio dette/capitaux était de 0.2 en 2014!); sa valeur aux livres était de 2.9 x son cours, ce qui était raisonnable pour une compagnie techno; elle payait en plus un dividende décent.
Sur la base des livres comptables, la décision semblait évidente: vous aviez le choix entre un premier de classe et ce qui semblait être un cancre à l'avenir plus qu'incertain. Depuis 2015, l'action de AMD est donc passée de $2.10 à $94.15, alors que celle d'Intel n'a que médiocrement progressée de $35 à $55 en plus de cinq ans, et ce, dans un marché pourtant particulièrement favorable aux entreprises de ce secteur (outre la montée d'AMD, on doit mentionner celle de Nvidia (NVDA-Nasdaq) qui est passée de $20 l'action en 2015 à $544 en date d'aujourd'hui!). Que s'est-il passé? Ce qui m'échappait au delà des livres comptables, c'était la technologie et la position de ces entreprises dans les créneaux les plus prometteurs (semi-conducteurs destinés à l'automatisation industrielle, aux serveurs, aux jeux vidéos...), un positionnement favorable dans ces créneaux étant vu par les marchés comme garant éventuellement d'une forte croissance des revenus. Intel pour sa part dominait un créneau moins prometteur, un peu stagnant, celui des ordinateurs personnels (PC).
Aujourd'hui, je regarde les chiffres comptables d'AMD et ceux d'Intel et ces derniers m'apparaissent toujours nettement plus intéressants, malgré des derniers trimestres peu reluisants pour Intel, ses marges de profits demeurent nettement supérieures à celles d'AMD. De plus, AMD se transige à 29 fois sa valeur aux livres, Intel à 2.9, soit 10 fois moins!
Payer un prix démesuré pour une croissance anticipée, peut être aussi trompeur que de ne pas tenir compte de la croissance dans l'équation, mais uniquement des performances comptables passées. Intel, vient de changer de P.D.G., parviendra-il à repositionner l'entreprise dans les créneaux les plus prometteurs de croissance? Difficile pour moi de répondre... Mais si je me risquais dans ce secteur où l'évolution technologique est dure à suivre pour un simple investisseur, je serais tenté aujourd'hui de miser sur Intel et non sur AMD ou Nvedia dont les valeurs boursières ne font plus de sens selon moi.
Vous me direz que je n'ai pas appris ma leçon, je crois que oui, je sais aujourd'hui qu'il faut tenir compte de la croissance et non seulement de la valeur comptable, mais tomber dans le piège d'une surévaluation de cette croissance aux dépens de la réalité comptable, ne m'apparaît pas mieux et constitue également une trappe à éviter pour l'investisseur.