Mon expérience m’amène à penser qu’il y a beaucoup plus des ces entreprises sérieusement malades qui ne s’en remettront pas, plutôt que l’inverse. Cependant, lorsqu’on identifie une entreprise qui a le potentiel pour se sortir du pétrin dans lequel elle se trouve, on détient là un placement dont le rendement pourra être fort rémunérateur. Comme séparer le bon grain de l'ivraie?
LE BILAN FINANCIER
L’élément clef à vérifier, c’est le bilan financier : quelle est la nature du passif, quelle est la part de l’avoir des actionnaires (equity) par rapport aux dettes de l’entreprise? Quelle a été l’évolution entre ces deux composantes du passif au cours des derniers trimestres et des dernières années? Le ratio dettes totales/avoir des actionnaires est facile à vérifier dans le bilan financier; certains vont se fixer un ratio 1/1, au dessus duquel ils n’iront pas. Cela peut être trompeur, certains entreprises rentables ont des dettes plus élevées que l’avoir des actionnaires mais génèrent des profits substantiels : elles utilisent les emprunts comme un levier efficace. Cependant, vous devez vous fixer une limite d’endettement, au dessus de laquelle vous n’irez jamais.
Là ou ça se complique encore davantage pour le simple investisseur, c’est dans l’analyse de la dette. Quelle est la nature des emprunts, quelles en sont les conditions et quels sont les échéanciers de remboursement? Est-ce que l’entrée d’argent au cours des prochains trimestres et années sera suffisant pour remplir les obligations de la dette? Sinon, on pourrait se retrouver forcé d’aller en refinancement, ce qui pourrait être particulièrement coûteux et difficile à obtenir dans l’état actuel du marché du crédit, échaudé par la crise des « subprimes ». Méfiez-vous des possibilités de « debt squeeze » : pour les éviter, il faut donc fouiller davantage le passif de l’entreprise et sa capacité à générer des profits et du « cash », pas se limiter aux simples ratios d’endettement.
Il y a deux ans, j’ai investi dans Movie Gallery, une chaîne de clubs vidéo américaine, dont la valeur de l’action était passée en un an de $34 à $2. Malgré ses déboires, je trouvais attrayant le cours de l’action versus la valeur de ses actifs et de ses ventes. J’aurais pourtant dû m’arrêter plutôt à la valeur de l’avoir des actionnaires qui était NÉGATIVE, tellement la dette générée par de récentes et énormes acquisitions était élevée. Avec du recul, j’ai de la difficulté à croire que j’ai pu faire un placement aussi médiocre : c’était carrément acheter une gigantesque dette et rien d’autre, et ce, dans un secteur en déclin où les entreprises peinent à maintenir leurs ventes et à générer le moindre profit ou « cah flow » positif. Movie Gallery a été inévitablement obligé de se refinancer et l’ancienne action vaut aujourd’hui $0,04…
Au Québec, Tembec (TBC) est un bon exemple d’une entreprise qui n’était pas une bonne occasion d’achat quand les premiers symptômes de la maladie se sont présentés au début 2005 : une dette qui grandissait aux dépens de l’avoir des actionnaires dans un secteur en difficulté, où il était pratiquement impossible de générer des profits qui auraient permis de redresser la situation. Tembec a restructuré son capital cette semaine, les actionnaires se sont retrouvés avec 5% des nouvelles parts de l’entreprise. Et ça aurait pu être pire…
Le seul moyen pour une entreprise de sortir du bourbier de l’endettement est de générer des profits et surtout, d'importants flux de trésorerie libres (free cash flow). Sinon, c’est la spirale irréversible vers la recapitalisation aux dépens des actionnaires actuels.
Prochaine chronique : les flux de trésorerie