Tous les grands fabricants d'automobiles nord-américains et pratiquement tous leurs fournisseurs de pièces, traînaient d'énormes dettes depuis de nombreuses années. Ils parvenaient à survivre malgré tout, des institutions financières leur consentant périodiquement des renouvellements de prêts basés sur la valeur de leurs actifs.
Quand j'ai commencé à m'intéresser au marché boursier en 2002, je fus surpris de constater l'énormité de ces dettes versus l'avoir des actionnaires (equity). Il semblait que ce fait était acceptable pour cette industrie, alors qu'il ne l'était pas pour d'autres. Tout de même, GM n'allait quand même pas faire faillite un jour! Ce qui était bon pour GM était bon pour l'Amérique!
Une énorme dette est une bombe à retardement prête à exploser au visage de l'investisseur, lorsque se présentera une conjoncture défavorable qui mettra le feu à la mèche. C'est ce qui est arrivé à l'industrie automobile nord-américaine avec la récession actuelle qui a vu chuter de façon catastrophique les ventes d'automobiles, en même temps que le crédit devenait soudainement rarissime suite à la crise des "subprimes". En fait, l'industrie automobile nord-américaine vivait sur du "temps emprunté" depuis quelques décennies.
Comme des milliers d'autres petits investisseurs, je me suis aventuré sur ce terrain miné et j'en ai payé le prix: j'y ai perdu beaucoup d'argent. Une des entreprises auxquelles je croyais, parce que son bilan financier me semblait un peu plus solide, le fabricant de pièces d'automobiles Lear Corporation (LEA-NYSE), est la dernière victime emportée par la spirale qui aspire cette industrie vers le fond. Selon un article du Wall Street Journal publié vendredi matin, Lear s'apprêterait cette semaine à se mettre sous la protection du Chapitre 11, l'impact sur le titre fut immédiat: il a clôturé la séance du vendredi à $0,36, très loin des $61 l'action qu'il avait atteint à la fin 2004.
Je peux me consoler en me disant que je n'ai pas été le seul à sous-estimer la vulnérabilité de Lear au poids de sa dette: le grand investisseur Carl Icahn, spécialiste des achats d'entreprises sous-évaluées, ne l'avait pas vu venir non plus. À l'été 2007, Icahn avait fait une offre pour racheter l'ensemble des actions de Lear à $37,25 l'action! Les actionnaires, moi le premier, flairant les perfides intentions de ce faucon d'acquéreur, avaient rejeté cette offre! Carl Icahn doit être mort de rire aujourd'hui....
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