Lorsque l'on veut évaluer la capacité d'une entreprise à se sortir d'une situation difficile et à se remettre sur ses pieds, l'analyse de son flux de trésorerie (cash flow) et, en particulier, de son flux de trésorerie disponible (free cash flow) peut en dire long sur l'état de santé du malade. Le flux de trésorerie c'est un peu l'oxygène de l'entreprise: c'est la mesure de l'argent qui sort de l'entreprise versus l'argent qui y entre.
Lorsqu'une entreprise est affaiblit et qu'elle génère des flux de trésorerie négatifs, cela peut la mener à une crise majeure qui nécessitera le recours à du capital d'emprunt, au détriment des actionnaires actuels. Encore faudra-t-il que l'entreprise trouve les prêteurs disposés à venir à sa rescousse. Dans un cas, comme dans l'autre, les actionnaires en feront les frais.
Lorsqu'on songe à miser sur une entreprise qui traverse une période difficile, parce que son cours actuel nous apparaît invitant, il faut donc vérifier, après son niveau d'endettement, l'état de ses flux de trésorerie. Est-ce que l'entreprise pourrait se retrouver en situation de déficit d'oxygène qui provoquerait la crise fatale?
Les flux de trésorerie des derniers trimestres sont, bien sûr, facile à vérifier; ce qui l'est moins, c'est la capacité ou non de l'entreprise à générer des flux de trésorerie positifs au cours des trimestres à venir. D'où l'importance de bien analyser son marché, son secteur d'activité et ses produits. Une entreprise qui se trouve dans un secteur en crise ou dont les paramètres fondamentaux limitent la rentabilité, ne parviendra pas, malgré la meilleure volonté, à générer les flux de trésorerie positifs qui lui permettraient de remplir les obligations reliées à sa dette et éviter ainsi le recours à de nouveaux capitaux d'emprunt.
Facile à dire, pas toujours facile à mesurer pour le simple investisseur qui n'a pas une formation en finance d'entreprise et qui n'a pas accès à l'information privilégiée de l'intérieur de l'entreprise.... Je me souviens, il y a quelques mois, d'une session où soudainement le cours de Quebecor World s'est mis à chuter, sans raison apparente, de plus de 10% pour se retrouver sous la barre des $9. Certaines personnes bien informées venaient de visualiser l'équation qui réunissait les obligations financières à venir de l'entreprise, d'une part, et l'état des flux de trésorerie, d'autre part: la crise devenait inévitable. Je suis tombé dans le piège quelque temps plus tard, achetant des actions de Quebecor World à $4, pensant qu'il s'agissait d'une aubaine: l'action vaut aujourd'hui $0,21 et l'entreprise est toujours à la recherche de capitaux d'emprunt pour éviter la faillite. Les fondamentaux du secteur de l'imprimerie qui doit faire face à la popularité croissante de l'internet aux dépens des documents imprimés, ne permettaient pourtant pas d'espérer une hausse importante des prix ou des ventes, ainsi que des flux de trésorerie positifs qui viendraient solutionner la crise.
Les prêteurs ne viendront à la rescousse d'une entreprise en difficulté que s'ils ont la certitude qu'elle pourra générer des flux de trésorerie positifs importants dans les trimestres à venir qui leur permettront de récupérer leur capital et leurs intérêts. Les capitaux d'emprunt sont particulèrement difficiles à trouver aujourd'hui: avec la crise des "subprimes", les prêteurs potentiels sont nettement plus craintifs et exigeants.
Les entreprises qui ont le potentiel pour réussir un "retournement", parce que leur niveau d'endettement n'est pas critique et qu'elles ont la capacité de générer des flux de trésorerie positifs sont peu nombreuses dans l'aile des grands éclopés à l'hôpital de la bourse. Je l'ai appris à mes dépens. Une sur dix, une sur vingt? Dans une prochaine chronique, j'identifierai des entreprises qui me semblent faire partie de ce groupe limité d'entreprises appelées à retrouver la santé.