mardi 30 décembre 2008

À la bourse: jouer les docteurs n'est pas toujours évident...

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Il en va un peu des entreprises comme des êtres humains: l'état de santé d'une entreprise peut être temporairement affecté par une maladie guérissable, dont elle se remettra, pour se relever et revenir parfois plus forte. Pour une autre entreprise, la maladie sera dégénérative et la mènera tôt ou tard à sa fin. C'est la différence entre un placement de type "retournement" et un placement de type "enterrement". L'investisseur attiré par les entreprises éclopées, à cause du coût fortement à la baisse de leurs actions, est un peu comme un médecin qui doit mesurer l'état du malade: l'entreprise a-t-elle les capacités pour s'en remettre ou est-il trop tard pour empêcher l'inévitable: la dilution par le refinancement, le chapitre 11 ou pire, la faillite?

Un des premiers investissements boursiers que j'ai fait, fut d'acheter des actions de la compagnie Corning (GLW-NYSE) à la fin 2002, à $2,00 l'action. Corning avait vu la valeur de son action atteindre $113.33 le 29 août 2000, portée par un délire collectif au sujet de la fibre optique: elle était le premier fabricant au monde de ce conduit révolutionnaire. Malgré les caractéristiques remarquables de la dite fibre, son utilisation et ses ventes éventuelles avaient tout de même des limites et ne justifiaient en rien un pareil prix pour l'action de Corning.

Lorsque la bulle technologique éclata et qu'apparut la glaciale réalité, l'action redescendit à un rythme spectaculaire pour atteindre $1,10 le 8 octobre 2002, à peine un peu plus de deux ans après son sommet de $113.33. La situation financière de Corning était durement éprouvée par la chute de la demande et des prix pour la fibre optique et pour les équipements photoniques qu'elle fabriquait également. De "darling" de Wall Street, elle devint une brebis galeuse rejetée en masse par les investisseurs.

Mr Market, comme vous le savez, est un maniaco-dépressif. Capable de la pire surestimation optimiste, comme de la pire sous-estimation pessimiste. Remarquez que pour plusieurs entreprises technologiques qui avaient atteint des sommets intersidéraux en 2000 pour s'écraser brutalement sur le plancher des vaches en 24 mois, la descente était justifiée, bon nombre ne faisaient que rejoindre leur valeur réelle.

Dans le cas de Corning c'était différent, malgré ses déboires, elle conservait des atouts réels: l'entreprise existait depuis près de 150 ans et ses laboratoires qui avaient amené sur le marché une multitude de produits avant la fibre optique, étaient toujours là, à oeuvrer à la recherche de nouvelles innovations. Corning avait grandi en fabriquant de la vitre et c'est la vitre qui allait la relancer: ses laboratoires avaient en effet développé un procédé pour fabriquer des vitres ultra-minces. Ce produit allait ramener Corning à la santé. Les ventes de ce type de vitres, dans les années qui suivirent, ont littéralement explosées, avec l'arrivée des téléviseurs et des écrans d'ordinateurs à vitre plate et ultra-mince.

J'ai vendu mes actions près de $18 l'unité à l'automne 2005, trouvant, malgré l'affection que je portais à l'entreprise, que son ratio prix/bénéfices par action de X 30 dépassait les bornes du raisonnable. L'action de Corning continua cependant sa poussée pour rejoindre presque les $30 au printemps 2006. Après cette montée spectaculaire, le titre est redescendu progressivement depuis, il a terminé la journée d'aujourd'hui à $9.01.

À l'automne 2002, Corning n'était donc pas une entreprise moribonde, elle avait en elle des ressources et des actifs réels: d'abord ses remarquables laboratoires, puis un c.e.o. de grande qualité (James R. Houghton) que l'on avait fait revenir de sa retraite, des usines capables de haute technologie, un réseau de clients de longue date dans les milieux industriels, scientifiques et universitaires... Ce n’était pas une coquille quasiment vide comme l'étaient plusieurs entreprises technos à la mode au début de la décennie.

Je n'étais donc pas peu fier d'avoir repéré ce "malade" que plusieurs croyaient agonisant et qui revint à la vie de si brillante façon. Malheureusement pour moi, ce placement judicieux m'avait un peu monté à la tête: j'étais dorénavant persuadé que le moyen de faire de l'argent à la bourse se résumait à parcourir les couloirs de la section des "grands éclopés" à la recherche d'autres candidats à une résurrection spectaculaire.

Une entreprise voyait le cours de son action chuter de 30% en un jour, suite à une nouvelle désastreuse, je me précipitais à son chevet pour l’ausculter superficiellement et parier rapidement sur sa guérison, sans même avoir investigué à fond les causes de la maladie qui l’affligeait, ni attendu des signes qui auraient pu me confirmer que la santé revenait pour cette entreprise sévèrement affaiblie. Enivré par mon succès initial, j'ai donc investi dans une multitude d'entreprises vraiment moribondes, des placements "enterrements" (Slater Steel, Friedman's, Tower Automotive, Movie Gallery…) et non de réels placements de type "retournements" et j'ai ainsi fait disparaître les gains que m’avait apportés Corning.

Aujourd'hui, je me méfie de l'aile des grands éclopées à l'hôpital de la bourse, je parcours ses couloirs avec plus de modération et de suspicion: plusieurs entreprises s'y retrouvent alitées pour de très bonnes raisons… Alors, comment différencier les actions moribondes, de celles qui pourraient revenir à la santé? J'ai deux ou trois idées que ces pénibles expériences m'ont apprises, j'y reviendrai dans une prochaine chronique.
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3 commentaires:

Québec Bourse a dit…

Merci pour vos commentaires.

Anonyme a dit…

Bonjour Denis,
Bonne année a toi et ta famille,
Juste vous dire de jeter un petit coup d'oeil sur DCI sur NYSE. Moi j'ai quelque action (900) de celle-ci, si vous regarder les produits quelle fabrique, les chiffres vous allez voir une petite entreprise contaminer par le marcher avec une gastro. mais qui s'en remetteras car elle fait des profits a la hausse depuis 15 ans, mais presque personne n'en parle....., a suivre
Jean R

Québec Bourse a dit…

Bonjour Jean R

J'ai pris quelques minutes pour regarder ta suggestion. Donaldson m'apparaît effectivement être une entreprise solide: croissance continue malgré le contexte économique, marges de profit très stables, créneau assez bien protégé, présente au niveau international, niveau d'endettement limité... Ma seule réserve c'est son prix actuel qui me semble refléter sa valeur réelle, donc, pour un chasseur d'aubaines comme moi, je suis un peu moins attiré... En passant, si pour toi, 900 actions à près de $34, c'est "quelques actions", nous ne jouons pas dans la même ligue: c'est beaucoup pour moi.

Dans les titres industriels, il y a une compagnie britannique qui est intéressante, Tomkins (TKS-NYSE), c'est sûr qu'actuellement elle traverse une période difficile: ses produits sont destinés à deux secteurs, l'automobile et la construction… Au delà de la conjoncture actuelle, moi je pense qu'à son prix actuel, elle est à regarder de plus près.

Denis