samedi 5 septembre 2009

Les journaux peuvent-ils se transformer en entreprises rentables?

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La Presse, le plus grand quotidien québécois, a menacé cette semaine ses employés de mettre fin aux activités de l'entreprise, si ces derniers ne faisaient pas des concessions majeures. L'avenir des journaux dans leur format traditionnel (papier) est fragile et inquiétant pour ceux qui y travaillent. J'ai abordé ce sujet du point de vue d'un investisseur le 13 décembre dernier: Investir dans un secteur en déclin, n'est jamais une bonne idée.

Le besoin de consommer des informations de toutes sortes n'est pourtant pas en voie de disparaître: à l'ère de l'internet et de la téléphonie mobile, l'humain, plus que jamais, aime et recherche la communication. Les journaux, comme "entreprises de communication", pourront-t-ils profiter du potentiel de ce marché énorme et trouver une façon de survivre. Si ces entreprises se redressent, ce sera, bien sûr, dans des formats autres que celui que nous avons connu qui est appelé à disparaître.

Ainsi, l'époque des journaux volumineux qui traitent de tous les sujets et de tous les domaines et qui sont vendus aux lecteurs en kiosque ou livrés à la maison, est selon moi terminée: c'est un modèle qui à l'ère de l'information gratuite sur internet, n'est plus économiquement viable.

Le seul avenir du journal en format papier est le format "léger" et distribué gratuitement dans les grands lieux publics (ex. stations de metro), donc, vivant strictement de ses revenus publicitaires. Ainsi, le quotidien gratuit Metro qui a vu le jour en Suède en 1995, continue de conquérir la planète avec ses 84 éditions publiées présentement dans 23 pays et en dix-huit langues, ses éditions rejoignent hebdomadairement plus de 48 millions de personnes (Metro est une compagnie privée, non cotée en bourse). Les grands journaux doivent envisager de livrer compétion sur ce marché qui pourrait être rentable: s'ils savent s'adapter à ce format et qu'ils revoient leur structure de coûts .

Bien sûr, il y a également les versions internet des journaux qui pourraient aussi être rentables mais qui doivent affronter une multitude de compétiteurs pour se mériter l'attention des lecteurs, y compris les millions de blogs personnels, dont le nombre ne cesse de grandir de mois en mois. Ce que je remarque, c'est que les sites des journaux reprennent souvent le même modèle que les formats en papier: beaucoup de sections et de sous-sections qui passent souvent inaperçues, alors que que l'internaute a tendance à naviguer d'une première page à une autre première page des différents sites internet qu'il a adoptés (comportement que je qualifierais de zapping internet).

Cyberpresse (site de La Presse), par exemple, offre six principales sections (actualités, affaires, etc) qui sont redécoupées chacune en une dizaine de sous-sections: c'est lourd, beaucoup de contenu passe inaperçu. Je ne voudrais pas être celui qui écrit dans la nevième sous-section de la sixième section...

La Presse possède une grande richesse: sa variété de chroniqueurs spécialisés dans différents domaines. En rebrassant les mêmes talents, elle a de quoi faire au moins quatre sites spécialisés et autonomes rejoignant des publics mieux ciblés: actualités politiques et sociales, affaires, sports et culture. Et puis, il faut donner une très grande place aux lecteurs pour qu'ils puissent s'exprimer et débattre. Les jeunes, en particulier, sont habitués à la communication inter-active et non passive sur internet. Les blogues de Cyberpresse sont d'ailleurs définitivement un de ces points forts, le chroniqueur sportif François Gagnon reçoit parfois plus de 300 messages suite à une courte chronique, ça c'est de la fidélisation de la clientèle!

Revenons à la bourse, est-ce que les entreprises de presse cotées en bourse sont de bons investissements? Au prix où elles se trouvaient il y a cinq ans à peine, définitivement non. Ainsi, Gannett (GCI-NYSE), la plus importante entreprise de presse américaine, se transigeait à $90 au début 2004, comme si personne ne voyait venir la tempête qui allait frapper cette industrie: le titre a clôturé à $8.11 hier, après avoir touché $1.85 au printemps! Je ne pourrais investir dans Gannett à son prix actuel, car il y a trop d'incertitudes sur la capacité de cette industrie à se transformer et à être rentable dans la nouvelle ère de la communication gratuite via internet.

Certes, les entreprises de presse ont un atout majeur: elles peuvent compter sur de talentueux producteurs de contenus. Cependant, le terrain sur lequel elles doivent maintenant se battre en est un qui est complètement ouvert: les coûts initiaux pour payer l'infrastructure d'un site web sont minimes à comparer à ce qu'il en coûtait pour démarrer jadis un grand journal. Ces coûts élevés d'entrée étaient alors, en quelque sorte, une protection contre la compétition: on disait des titres boursiers des grands journaux qu'ils bénéficiaient d'une tranchée protectrice (economic moat). Aujourd'hui, avec quelques milliers de dollars et le recrutement de quelques chroniqueurs vedettes spécialisés, vous pourriez vous attaquer sur le champ à n'importe quel adversaire.

Dans ce marché pratiquement ouvert à tous, où chaque dollar de publicité est convoité par de multiples compétiteurs, même les meilleures entreprises ne représentent pas des placements sécurisés.
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