jeudi 4 décembre 2008

Sears & Roebuck: une marque de commerce reconnue n'est pas un atout éternel

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Il y a quelques années, ma soeur et moi allions visiter une fois par été notre vieille tante aux États-Unis. Ma tante vouait une affection particulière aux magasins Sears & Roebuck (SHLD au Nasdaq) : ainsi, à chacune de nos visites, elle nous amenait à la succursale la plus proche pour magasiner avec elle, et elle en profitait pour nous faire quelques cadeaux. Pour elle, ce détaillant était dans une classe à part: elle était persuadée que les items que l'on y vendait étaient de meilleure qualité et étaient offerts à meilleurs prix. Elle avait acquis cette conviction à la fin des années cinquante, lors de son arrivée aux États-Unis, alors que Sears & Roebuck dominait réellement son secteur, bien avant qu'apparaissent deux concurrents qui allaient s'en prendre agressivement à sa position de tête: Wal-Mart et Target.

Lors de nos visites chez Sears & Roebuck, j'étais impressionné par la propreté du magasin, ses planchers resplendissants comme si on venait de les cirer, le calme qui régnait dans ce commerce. Je possédais alors un certaine quantité d'actions de Sears & Roebuck. J'ai soudainement réalisé que ne n'était peut-être pas bon signe de pouvoir contempler les planchers d'un commerce ou de pouvoir y faire une séance de méditation. Il manquait visiblement chez Sears & Roebuck un détail essentiel pour ce type de commerce: des clients. J'aimais aller dans ce commerce parce que l'on ne se faisait pas piler sur les pieds, contrairement à ses deux gros compétiteurs. Ce qui est agréable pour un client, ne l'est pas nécessairement pour un actionnaire...

J'ai donc décidé de vendre mes actions de Sears & Roebuck. Décision que j'ai regretté dans un premier temps, lorsque la valeur des biens immobiliers aux États-Unis a connu une forte augmentation. Les ventes de ce détaillant n'augmentaient pas, sa part du marché se rétrécissait face à ses concurrents, mais la valeur de ses nombreux immeubles était en forte hausse et, sur cette base uniquement, le titre est ainsi passé du $65 l'action que j'avais obtenu à $195 au début 2007.

Mais les trimestres qui ont suivi ont confirmé la diminution de la popularité de ces magasins auprès des consommateurs américains qui préféraient définitivement les Wal-Mart surpeuplés avec leurs prix coupés, aux grands espaces zen de Sears & Roebuck... Avec l'éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, le détaillant a perdu ce qui soutenait la croissance de son titre. Le titre de Sears & Roebuck a entamé une descente qui l'a mené à $27 il y a deux semaines, depuis il a effectué une remontée, il se situe aujourd'hui près des $40.

Ce qui m'amène à conclure qu'une marque de commerce reconnue ne suffit pas, si la compagnie ne sait pas s'adapter à l'évolution de son secteur et de son temps. Une marque, après avoir été dominante à une certaine époque, peut perdre progressivement sa renommée et son attrait auprès des consommateurs, pour se voir reléguer aux oubliettes ou presque. Quand j'étais jeune, les grands magasins qui dominaient à Montréal, s'appelaient Eaton's, Simpsons, Morgan's et Dupuis Frères: ils ont tous, soit fermé leurs portes au Québec, été racheté par une autre chaîne ou ont carrément disparus.

Sears & Roebuck a été bâtie au début du 20ème siècle, sur une innovation née d'une juste observation des besoins des consommateurs de l'époque: la vente par catalogue et par la poste à des habitants dans les régions rurales qui n'avaient pas accès à plusieurs biens de consommation et qui étaient à la merci d'intermédiaires qui faisaient indûment augmenter les prix des produits. Par la suite, tout au long de sa montée vers le premier rang du commerce de détail, Sears&Roebuck n'a cessé d'innover: marques maison (ex. Kenmore, Craftsman, Die Hard...), autres commerces à l'intérieur de ses magasins (ex. opticien et vente d'assurance Allstate), carte de crédit maison...

Je ne prétends pas que Sears & Roebuck n'a aucune valeur aujourd'hui: ses énormes actifs immobiliers ont une valeur en soi non négligeables. Cependant, dans la guerre des détaillants, je crois que son modèle d'affaire est dépassé et qu'elle ne fait plus le poids face à Wal-Mart et Target qui ont su mieux s'ajuster à l'évolution des besoins et des préférences des consommateurs américains.
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1 commentaire:

Québec Bourse a dit…

Merci pour vos commentaires.