lundi 8 octobre 2007

LES LEÇONS DE L’INVESTISSEUR : tant que le scénario original est valable, on ne devrait pas vendre

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Lorsque j’achète les actions d’une entreprise, j’écris un scénario initial, une sorte de repère qui m’aidera à passer les moments difficiles et à ne pas paniquer (i.e. vendre sous l’effet de la peur, de l’impatience ou du désespoir). Ce petit scénario peut ressembler à ceci : l’action de l’entreprise X est actuellement sous-évaluée parce que le contexte sectoriel n’est pas favorable; mais l’entreprise X n’a pas une dette importante, a de bons produits et elle est gérée par des dirigeants sérieux et honnêtes; cette entreprise de qualité devrait même tirer profit de cette crise et en ressortir plus forte car plusieurs de ses compétiteurs y laisseront leur peau; conséquemment, son action remontera à sa juste valeur lorsque la conjoncture sectorielle aura changée et que l’entreprise X pourra réaliser son plein potentiel.

J’ai appris à mes dépens qu’il faut rester fidèle à son scénario initial contre vents et marées. Tant que les raisons qui ont justifié l’achat existent, tant que le scénario est plausible, on ne vend pas! Il ne faut vendre que lorsqu’on y est contraint, c’est-à-dire : lorsque le scénario qui justifiait l’achat ne tient plus parce que des éléments de ce scénario ont évolué dans un sens contraire à ce qu’on avait prévu et ont changé la donne. Alors, dans une telle situation, il faut savoir vendre, mais c’est uniquement là qu’il est requis de le faire.

On doit résister à la tentation de vendre même si les résultats de l’entreprise sont temporairement décevants, même si le marché ne reconnaît pas la valeur réelle de l’action pour l’instant et que son cours est anémique ou décline et ce, même si une autre entreprise peut sembler offrir à court terme un plus grand potentiel de profit rapide et nous inciter à échanger l’une pour l’autre. Il m’est arrivé plusieurs fois de lancer la serviette trop tôt pour réaliser par la suite que mon scénario initial était très sensé, qu’il se réalisait maintenant et que j’aurais pu mettre la main sur un Oscar, si seulement j’avais été un peu plus patient avec ce scénario!

À mes débuts à la bourse, j'avais repéré une aciérie canadienne nommée Algoma Steel que j’avais finalement acheté à 2,05$ l’action en mai 2003. J’avais regardé les rapports financiers et pris connaissance de tous les articles qui en traitaient. Les prix de l’acier étaient très bas à l’époque et plusieurs aciéries étaient en sérieuses difficultés, Stelco se dirigeait allégrement vers le chapitre 11.

Algoma Steel était d’ailleurs passée par là auparavant et en était ressortie dans un meilleur état, mais son action était malmenée parce que l’ensemble du secteur l’était et que tout le monde perdait de l’argent. Le prix de son action par rapport au volume de ses ventes était extrêmement bas, ce qui m’avait frappé : je me disais que si cette entreprise faisait éventuellement 1% de profit, l’investissement serait rentable. Le prix de l'action versus la valeur au livre de l'entreprise était tout aussi ridiculement bas. J’aimais également le président et c.e.o. d'Algoma Steel, un dénommé Denis Turcotte, qui tenait un langage franc et direct sur la situation. Mais la tempête faisait rage et Algoma Steel n’attirait pas beaucoup les investisseurs qui craignaient probablement qu’elle ne retourne sous la protection du chapitre 11.

Mon petit scénario était simple : cette entreprise dont le capital avait déjà été restructuré avait les reins un peu plus solides pour passer à travers la tempête, elle avait un bon capitaine qui pourrait la mener dans ces eaux troubles jusqu’au jour où le soleil réapparaîtrait (i.e. le jour où le cours de l’acier repartirait vers le haut) et elle était drôlement bon marché. Je n’ai vraiment pas été patient avec mon scénario. Le cours de l’action a continué à descendre sous les 2$ et j’ai décidé spontanément, trois semaines plus tard, de vendre mes parts et de les échanger pour les actions d'une entreprise techno qui me semblait sur le point de décoller… La techno en question essaie toujours de décoller cinq ans plus tard, alors qu’Algoma Steel, propulsée par la hausse du cours de l’acier, dépassait quelques mois plus tard les 10$, puis les 20$, les 30$, les 40$, pour finalement être vendue à 56$ l’action à Essar Steel Holding en juin dernier, mettant ainsi fin à mon calvaire, mais pas à mes regrets.

Vendre à moins de 2$, une action qui allait en valoir 56$ quatre ans plus tard : vous comprendrez qu’aujourd’hui, je ne jette plus mes scénarios par dessus bord avant de les avoir bien relus.
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1 commentaire:

Québec Bourse a dit…

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